Les associations cherchent leur place

Michel Lulek

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 Les associations cherchent leur place

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Le 19 novembre, les rencontres de l’Injep auront lieu autour du thème : « Les associations au défi de leurs mutations : transformer, coopérer, accompagner ». Si les inquiétudes sont nombreuses, certains considèrent que c’est avant tout la place de l’association qu’il faut questionner. Sans renoncer à ce qui les distingue des autres acteurs.

2019 aura été marquée par la parution de la nouvelle édition du « Paysage associatif français ». Contrairement aux discours déclinistes elle montre que le dynamisme associatif n’a jamais été aussi fort dans notre pays. On a atteint 1,5 million d’associations, chaque heure voit la naissance de huit nouvelles associations (près de 200 chaque jour !), et, selon plusieurs études, les bénévoles n’ont jamais été aussi nombreux. Bref, tout semble aller pour le mieux dans un secteur en pleine croissance !

-> A lire : l'interview de Thibaut de Saint Pol, directeur de l’Injep :

Reconfiguration du modèle économique

Et pourtant, les mêmes études pointent des évolutions majeures qui bousculent le secteur : la mutation des financements qui induit une reconfiguration du modèle économique de structures de moins en moins financées par la puissance publique et qu’on incite plus que jamais à aller voir du côté du mécénat et de la philanthropie ; l’influence de pratiques managériales venues du monde de l’entreprise et l’irruption d’un entrepreneuriat social qui floute les frontières entre le secteur marchand et non marchand ; et enfin l’injonction à revoir son organisation via regroupements, fusions, coopérations et mutualisations. Des mutations qui imprègnent la plupart des discours portés par les partenaires du monde associatif.

-> Trois articles d'Associations mode d’emploi à lire comme une introduction aux questions du colloque de l’Injep :

Le Mouvement associatif tire la sonnette d’alarme

Dans ce contexte, les associations cherchent à s’adapter, le plus souvent en subissant : « on n’a pas le choix, il faut bien faire avec… » Une chose frappe dans les réactions : une certaine soumission du côté des associations de base.

Le Mouvement associatif tire pourtant régulièrement la sonnette d’alarme. Philippe Jaschan, son président, s’est adressé à Gabriel Attal en juin dernier en parlant d’« urgence », d’« un avenir qui demeure flou », de « fragilisation des associations » : « la vie associative a besoin de perspectives et de confiance en ce qu’elle est et pour ce qu’elle porte dans le pays, y compris quand cela prend les formes d’une expression critique aux options politiques du moment ».

Même le très sérieux et officiel HCVA fait entendre une voix plutôt critique comme dans son rapport de juillet dernier sur le rôle et la place des associations face aux nouveaux modèles d’entreprise.

Foisonnement d’initiatives

Dans son dernier ouvrage : « Réinventer l’association » (1) le sociologue Jean-Louis Laville pose un regard sur la situation actuelle, nourri de la connaissance de ce qu’il appelle l’associationisme, cette ébullition d’initiatives, de coopératives, d’associations avant la lettre, qui caractérise le premier XIXe siècle et qui lui paraît, comme à d’autres chercheurs (l’historienne Michèle Riot-
Sarcey par exemple), une magnifique source d’inspiration pour aujourd’hui.

Comme à l’époque, il constate, que ce soit en France ou dans le reste du monde, un foisonnement d’initiatives émanant de la société civile, porteuses d’aspirations au changement et à la prise en main par les citoyens de leurs problèmes. Il constate aussi que ces initiatives doivent affronter une vision managériale et politiquement aseptisée de l’association, qui, sous couvert de professionnalisme, de quête d’efficacité et d’efficience, réfute les idéologies pour privilégier l’action. Il récuse cette vision du monde associatif qui, sous le poids des modèles dominants du service public d’une part, de l’entreprise privée d’autre part, rabat « l’association sur un désengagement étatique ou sur un déficit entrepreneurial ».

Réorientation des investissements publics

Lançant quelques piques contre le social business, critiquant vertement les conseils et consultants en tout genre qui font leurs choux gras des « mutations associatives » pour mieux uniformiser le secteur, il constate : « tous ces intermédiaires qui ont les yeux rivés sur le business et l’impact promeuvent l’association à condition qu’elle ait rompu avec l’associationnisme, qu’elle ait abandonné une autonomie qui, pour être fragile n’en est pas moins distinctive ».

Devant l’échec des politiques qui misent tout sur l’économique, il appelle à une réorientation des investissements publics « vers les initiatives citoyennes qui ne sont pas délocalisables, incluent les habitants et améliorent leurs conditions de vie sur les territoires ». « Il est temps, conclut-il, de concevoir les formules appropriées d’un accompagnement et d’un encouragement des initiatives, bref d’aller vers une politique de l’association. » N’est-ce pas là en vérité la grande question ?

(1) « Réinventer l’association, contre la société du mépris », éditions Desclée de Brouwer, octobre 2019, 235 pages, 16 €.

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