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Le Forum national de l’ESS comme les 50 ans de la Fondation de France ont mis à l’honneur quantité d’initiatives associatives innovantes. La preuve par l’exemple de l’inventivité du monde associatif qui réclame que celle-ci soit reconnue via un crédit d’impôt adapté. Le gouvernement promet des propositions pour 2020.
En 2014, la loi relative à l’économie sociale et solidaire a donné pour la première fois une définition de l’innovation sociale. Elle concerne l’offre de produits ou de services qui, soit répondent à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques, soit y répondent par une forme innovante d’entreprise, par un processus innovant de production ou encore par un mode innovant d’organisation du travail.
Modifier les relations
La région Nouvelle Aquitaine a établi sa propre définition dans le cadre de son appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur l’innovation sociale qui propose un financement de 40 000 € sur une période d’un à deux ans pour expérimenter ou capitaliser une innovation. Pour elle, l’innovation sociale est « une intervention visant à répondre à une aspiration, subvenir à un besoin nouveau ou mal satisfait, apporter une solution ou profiter d’une opportunité d’action afin de modifier des relations entre des personnes ou des organisations, de transformer un cadre d’action territorial ou de proposer de nouvelles orientations culturelles ».
178 projets ont été soutenus dans ce cadre dont beaucoup portés par des associations : une crèche associative qui expérimente un management horizontal ; une conciergerie solidaire ; une bricothèque, lieu d’échange et de transmission de savoir-faire qui met à disposition un atelier équipé pour bricoler et qui propose du prêt de matériel ; une association qui favorise la création de liens intergénérationnels à travers l’usage d’outils numériques ; une ferme qui accueille des jeunes migrants en attente de leur demande d’asile ; etc.
Éco-système
Christine Moebs, conseillère régionale chargée de ce dossier, insiste sur le fait que « l’innovation est toujours quelque chose de très transversal ». Ce que confirme Meri Réale, gérante de la Scop Ellyx qui accompagne des associations dans leurs projets d’innovation : « pour que les projets soient vraiment transformateurs, ils ne peuvent être univoques et se développer par le seul porteur du projet ». Transversalité, partenariat, maillage, écosystème, voilà les mots qui reviennent dès lors qu’on parle d’innovation sociale.
Ainsi lorsqu’une association crée un vélo accessible pour des personnes handicapées, elle mettra dans la boucle des communes qui pratiquent le vélo partage, de manière à ce que le nouveau vélo soit mis en location. Il y a donc synergie entre un ou plusieurs porteurs de projet, une structure d’accompagnement, des usagers associés à la réflexion et des collectivités qui sont prêtes à utiliser un nouvel outil. L’innovation est autant dans le vélo que dans la dynamique partenariale qui se développe autour.
Crédit d’impôt innovation sociale
La loi ESS de 2014 précise que « pour bénéficier des financements publics au titre de l’innovation sociale, le caractère innovant de [l’]activité doit, en outre, engendrer pour cette entreprise des difficultés à en assurer le financement intégral aux conditions normales de marché ». Ce texte est la première reconnaissance de l’impact financier particulier de l’innovation sociale sur le budget d’une structure.
Dit autrement : innover a un coût ! C’est pourquoi le monde associatif réclame depuis déjà longtemps que soit pensé un crédit d’impôt innovation sociale à l’image du crédit d’impôt innovation technologique (CII) qui existe pour les entreprises. Actuellement, seule la partie technologique d’une innovation de service est éligible au CII.
Interpellé à ce sujet lors du forum national de l’ESS, Christophe Itier, haut-commissaire à l’ESS et à l’Innovation sociale, a expliqué qu’autant une innovation technique est assez facile à définir, autant une innovation sociale est plus complexe à appréhender : « pour les services fiscaux, il faut qu’il existe une définition suffisamment claire et moins générale que celle de la loi ESS » explique-t-il.
Propositions concrètes
L’argument n’a guère convaincu Éric Forti, président de la Cress d’Ile-de-France, qui a renvoyé le haut-commissaire aux définitions existantes (dont celle de la loi) ainsi qu’aux travaux menés par de nombreux chercheurs sur le sujet comme ceux de l’Institut Godin. La question n’est pas tranchée.
Christophe Itier vient en effet de confier à Jérôme Schatzman, directeur de la chaire innovation et entrepreneuriat social de l’Essec, une mission, plus globale que la simple entrée fiscale, sur l’évolution des dispositifs de financement de l’innovation sociale, avec l’objectif de produire des propositions concrètes et opérationnelles.
La mission s’est réunie une première fois le 5 novembre et doit rendre son rapport en mars 2020. « Si je ne peux rien faire pour 2020, a ajouté Christophe Itier, j’espère que, suite à ce rapport, je pourrai faire des propositions dans le cadre du projet de loi de finances de 2021. »