? Par Roger Sue, sociologue, président du comité d'experts de Recherches et Solidarités et administrateur de la Fonda *
Par son ampleur et sa persistance, la crise a fini par disqualifier la plupart des organisations sociales et leurs pouvoirs. Dans le même temps une contre-société diffuse, déjà majoritaire dans l'opinion, s'étend hors des représentations dominantes et des discours. Le lien d'association et l'associativité irriguent aujourd'hui l'ensemble des relations sociales de base, dont la portée révolutionnaire reste ignorée.
Ainsi, la famille est devenue une sorte d'association à géométrie variable, où parents et enfants deviennent autant « d'alter-égaux ». L'explosion d'internet et des réseaux sociaux est aussi la conséquence de l'associativité dans la société, dont il est le médiateur et le symbole de la vie en réseau. Les entreprises ont compris que la coopération et l'association de leurs salariés étaient désormais une des clés de leur réussite. La crise de la démocratie représentative est également à rapprocher de la volonté des citoyens de co-construire la décision publique et le bien commun, via les multiples formes de démocratie participative (jurys citoyens, conférences de consensus, pouvoir d'agir), sans parler de l'essor sans précédent des associations elles-mêmes, seules institutions plébiscitées par l'opinion.
Mais, cette contre-société qui déploie son associativité et son horizontalité se heurte à une société dramatiquement dominée par la verticalité des institutions et des pouvoirs. Cette opposition suscite des réactions de plus en plus violentes. La comprendre permet aussi de la dépasser.
* Roger Sue vient de publier La Contre-société, aux éditions Les Liens qui Libèrent.