Le revers de la médaille : quand les associations servent de prétexte à querelle à l'Assemblée...

Il y a parfois un côté comédie de Molière lorsqu'on lit certains échanges de nos députés. À l'approche des fêtes de Noël, nous vous offrons donc un petit florilège du débat qu'a soulevé le 8 décembre dernier la proposition de loi d'un député UMP de créer une médaille du bénévolat...

La proposition partait d'un bon sentiment. Le député Jean-Charles Taugourdeau et plusieurs de ses collègues estimaient, qu'à l'instar de la médaille du travail pour les salariés, les bénévoles avaient besoin d'une reconnaissance solennelle. Sur son blog le député expliquait : « Avec mon initiative, j'ai écouté les bénévoles eux-mêmes qui m'ont dit regretter n'avoir rien à offrir à une ou un camarade qui a passé plusieurs années à aider au côté des responsables d'associations durant toute leur vie d'engagement. » Les députés se sont divisés sur l'opportunité d'une telle médaille, jouant au ping-pong, avec plus d'arrières pensées politiques que d'un réel souci de défense du bénévolat - ce que tous évidemment s'empressent de faire. Un coup à droite, un coup à gauche : résumé du match.

Jean-Charles Taugourdeau (UMP), rapporteur. Le Gouvernement ne s'est malheureusement jamais montré, jusqu'à présent, très réceptif à toutes ces initiatives (...) À cet égard, la ligne de conduite du Gouvernement actuel ne semble pas différer de celle de ses prédécesseurs, ce qui est dommage.
Pierre Léautey (PS). Nous nous demandons pourquoi l'opposition propose aujourd'hui un tel texte, après avoir fait si peu de cas du monde associatif pendant dix ans.
Barbara Pompili (Verts). Je ne peux, pour ma part, cacher la consternation que m'inspire cette proposition de loi - et je pèse mes mots. Sous le précédent gouvernement, les subventions de l'État au monde associatif ont connu une baisse constante et drastique.
Rudy Salles (UDI). Je suis consterné par les interventions de mes collègues de la majorité (...) On se croyait revenu à 1981, lorsque l'on était passé « de l'ombre à la lumière », avec des bons, qui aimaient les associations, et des méchants, qui ne les aimaient pas. Soutenir qu'il y a eu dix ans de destruction des associations est ridicule !
Pierre Léautey (PS). Vous ne nous avez pas écoutés !
Rudy Salles (UDI). Je sais bien que cela ne changera rien pour vous, tant votre position est idéologique. Je siège dans cette Assemblée depuis assez longtemps pour savoir que c'est votre habitude et que vous utilisez certaines associations comme des courroies de transmission. Pour notre part, nous nous y refusons !
Thierry Braillard (Radical). Le jeune parlementaire que je suis - n'en déplaise à M. Rudy Salles - ressent la nécessité absolue, au vu du bilan des dernières années, de passer d'un climat de défiance des associations vis-à-vis des pouvoirs publics à un climat de confiance. Ce n'est pas en créant une médaille que l'on franchira ce pas (...) Bref, cette médaille nous apparaît plutôt comme un gadget.
Brigitte Bourguignon (PS). Puisque nous sommes tous d'accord sur la valeur du bénévole, nous devrions ½uvrer ensemble à un dispositif beaucoup plus large plutôt que de nous lancer des noms d'oiseaux !
Dominique Le Mèner (UMP). Le propos du texte n'est pas de créer un nouveau « hochet de la vanité », comme disait Napoléon.
Isabelle Attard (Verts). Nous sommes nombreux dans cette salle à avoir ½uvré au sein d'associations en tant que bénévoles, voire en tant que responsables, et nous savons parfaitement quels sont les besoins réels : besoin de reconnaissance, de constance dans le soutien - pour ne pas avoir à se demander en permanence comment on pourra fonctionner l'année suivante -, de locaux, de terrains ou de véhicules. Ce n'est pas une médaille qui pourra pallier ces manques !
Paul Salen (UMP). Je pensais que notre Commission voterait ce texte à l'unanimité et sans restriction. Le porte-parole du groupe socialiste estime que ce n'est pas une bonne idée. J'espère que cet avis ne tient pas seulement au fait qu'elle émane d'un groupe de l'opposition !
Hervé Féron (PS). À ceux qui nous accusent de vouloir être polémiques, je répondrai que le sujet est très politique (...) Les gouvernements n'ont mené aucune politique en direction de la jeunesse. Dès lors, une médaille d'honneur du bénévolat risque d'être reçue comme une provocation.
Jean-Charles Taugourdeau (UMP). Pour le reste, on a invoqué le « respect » tout en parlant de « médaille en chocolat ». Je ne trouve pas cela très respectueux à l'égard de ceux qui reçoivent une médaille !

Au final l'ensemble de la proposition de loi est rejeté. Son rapporteur se faisait donc quelques illusions lorsqu'il commençait les débats en déclarant : « Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est de ceux qui transcendent les clivages politiques. »

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