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Tandis que le Mouvement associatif fête ses 20 ans en appelant à « repenser la citoyenneté », l’ESS se restructure avec la fusion prochaine de la Chambre française de l’ESS (ESS France) et du CNCRESS. Tout cela rendra-t-il plus audible le monde associatif ?
Si les associations sont plus que centenaires, ce n’est que tardivement, à une période où l’État va reconnaître le fait associatif en tant que tel, qu’elles se sont véritablement organisées avec la volonté de constituer un ensemble cohérent et de porter une parole collective.
Une structure catalyse
Dans les années 1970, à l’initiative du haut-fonctionnaire et militant associatif François Bloch-Lainé, avait certes été créée l’Adap (Association de défense des associations de progrès) autour de l’idée de « susciter de nouvelles dispositions de la part de l’État et des collectivités publiques en faveur des associations ». Mais il faut attendre les années 1980 pour que le champ associatif se structure réellement. Côté associations, la création en 1981 de la Fonda concrétise cette volonté de rassemblement. « Il ne s’agit alors pas de créer une superstructure, mais une structure catalyse, un cadre de rencontre et de confrontation pour prendre un certain recul » expliquent les sociologues Jean Bastide et Roger Sue (1). « Il s’agit de favoriser l’élaboration de positions communes et de diffuser ces positions en direction du Parlement, du gouvernement, des syndicats, des médias et des organisations internationales. Enfin, d’être reconnu comme interlocuteur des pouvoirs publics. »
CNVA et CPCA, les germes d’une confusion
Du côté de l’État, la reconnaissance du fait associatif se traduit par la création en 1983 du Conseil national de la vie associative (CNVA, l’ancêtre de l’actuel Haut Conseil à la vie associative), un organe placé auprès du Premier ministre, composé de représentants du monde associatif mais dont le rôle est plus d’expertise et de conseil que de représentation. « Cette création porte en elle, dès l’origine, les germes d’une confusion : ses membres n’étaient «?que?» proposés par les grandes familles associatives, mais désignés par le gouvernement, ce qui ne lui permettait pas d’assurer une fonction de représentation. » (1) En 1992, les présidents des grandes fédérations et coordinations associatives décident donc de créer une organisation indépendante de la tutelle gouvernementale : la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA). Mais il faudra encore attendre les premières Assises nationales de la vie associative en 1999 pour que la question de l’autonomie de la CPCA soit véritablement posée. En 2013, la CPCA change de nom affichant sa volonté de mieux parler au nom de toutes les associations en devenant Le Mouvement associatif.
Dialogue de sourds
Le dialogue n’est pas pour autant toujours facile. Il se fait avec des hauts et des bas selon la couleur et la sensibilité à la question associative des gouvernements. Malgré l’arrivée (tardive) d’un secrétaire d’État chargé de la vie associative, on a le sentiment que les pouvoirs publics actuels n’ont pas pris à sa juste mesure le fait associatif. Quand, lors d’un colloque récent, Gabriel Attal explique la baisse des subventions par le simple effet de l’augmentation du nombre d’associations, ou quand le représentant du ministère clôture ce même colloque en ignorant les vives critiques, même si elles demeurent courtoises, qu’on lui a adressées juste avant, on a parfois le sentiment d’un dialogue de sourds…
L’ESS fusionne
Pendant ce temps, on manœuvre du côté de l’ESS pour rendre plus lisibles les instances de représentation d’un secteur dans lequel les associations prédominent. Suite à la loi de 2014 relative à l’ESS, quatre instances pouvaient prétendre parler au nom des associations : le HCVA, le Conseil supérieur de l’ESS, la Chambre française de l’ESS et le CNCRESS, Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (2). Ces deux dernières structures ont décidé de fusionner pour faire émerger une parole politique collective et mieux connecter la nouvelle tête de réseau avec les territoires via les 18 chambres régionales de l’ESS. « C’est le moyen, explique Marthe Corpet, responsable plaidoyer du CNCRESS, de donner plus de transversalité à la tête de réseau. » Votée en juin dernier par les assemblées générales des deux instances, le principe de la fusion est acquis. Si on ne connaît pas encore le nom de la nouvelle structure, celle-ci devrait néanmoins devenir une réalité dès le premier semestre 2020.
(1) Jean Bastide et Roger Sue, « Société civile et monde associatif », La Tribune Fonda, n° 210, août 2011
(2) « ESS : une représentation à quatre voix », Associations mode d’emploi n°162, octobre 2014.