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Après une période de flottement, le gouvernement a lancé un appel aux associations pour qu’elles participent au Grand débat national en réponse à la crise des gilets jaunes. Entre crainte d’un débat bouclé d’avance et occasion de mettre en avant leur capacité à porter les revendications citoyennes, le monde associatif hésite.
Le nouveau baromètre de la confiance politique du Cevipof est sorti début janvier. Depuis 2009, il mesure le niveau de confiance des Français dans les acteurs politiques et sociaux.
Une nouvelle fois ce sont les partis politiques qui arrivent en queue de peloton (avec un indice de confiance de 12 %). Les médias ne s’en sortent guère mieux (25 %). Les hôpitaux (avec 81 % de confiance) arrivent en tête, suivis par les PME (80 %), l’armée (77 %) et la police (70 %).
Avec 67 %, les associations ne s’en sortent pas trop mal. Elles remontent même légèrement après être tombées à 63 % en 2018, mais restent en retrait par rapport à 2014 et 2015 (70 %).
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« On compte sur vous »
Ce bon indice de confiance peut-il rendre légitime leur participation au Grand débat lancé le 15 janvier dernier par le président de la République ? Après une période de flottement, le gouvernement a pensé qu’il était sans doute utile de les solliciter. Le 11 janvier, le Premier ministre a ainsi reçu une trentaine de représentants associatifs pour échanger avec eux sur l’organisation du débat.
Aux côtés des grandes fédérations (Ligue de l’enseignement, Unat, Cofac, Cnosf, UFC-Que choisir, Unaf, Cnajep, Uniopss…), se trouvaient réunies des associations environnementales (comme FNE ou la LPO) et de solidarité (des Restos du cœur à la Fédération des acteurs de la solidarité) ainsi que la Chambre française de l’ESS et le Groupe SOS. Une manière de dire au monde associatif : « on compte sur vous ».
Quelques jours plus tôt, le secrétaire d’État à la Jeunesse et à la Vie associative Gabriel Attal avait d’ailleurs twitté : « les associations sont ancrées dans les territoires, elles ont un rôle majeur à jouer dans la mobilisation des Français et l’animation des débats ».
Entre prudence et rejet
Le Mouvement associatif se dit partant, mais à trois conditions : l’ouverture et l’inclusivité, la transparence et la clarté, l’indépendance et l’impartialité. Il a également insisté pour avoir des assurances sur le fait que les propositions issues du grand débat seront bien prises en compte : « dans une volonté de co-construction avec les pouvoirs publics, les associations ont déjà participé à un grand nombre de concertations, pour un résultat souvent décevant. Dans le climat de tension actuel, au moment où des attentes fortes s’expriment, l’effet d’une concertation sans suite serait désastreux ».
Beaucoup plus réticent, le Collectif des associations citoyennes (CAC) appelle, lui, à poursuivre le débat là où il a déjà été entamé, sur les ronds-points : « que ce soit autour d’un café ou en facilitant le débat, par la rédaction de cahiers de doléances, ou le recueil de revendications, les associations citoyennes ont toute leur place pour organiser le débat avec les citoyens en mouvement, et déjouer les pièges de la « grande concertation » annoncée ».
Éducation populaire
Au Cnajep, en laissant toute liberté aux associations membres de s’engager ou non dans le Grand débat, on préfère surtout les outiller en produisant des éléments d’analyse leur permettant de ne pas venir les mains vides. Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif, estime aussi que l’animation par des associations ou des gilets jaunes paraît indispensable : « les « associations […] sont moins un corps intermédiaire que l’émanation directe du corps social qui les crée et les modèle à son image, comme possibilité toujours renouvelée d’articuler l’individuel au collectif ».
Raison de plus pour ne pas aborder ce débat comme une concertation lambda puisqu’il se déroule sur fond de mobilisation continue d’un fort mouvement populaire. « Ce qui s’expérimente [sur les ronds-points] porte un nom, celui d’éducation populaire » écrit le CAC. De fait, les spécialistes de l’« éduc pop » que sont les associations ont tout intérêt à y mettre leur nez et leur expertise, y compris si c’est de manière critique !