[VIDÉO] Le Covid-19 est-il un cas de force majeure ?

Yannick Dubois, Cabinet Kogito Associations

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AUTIER GREGORY - 19/04/2020 13h:16

bonjour,sous l'angle strictement juridique j'entends bien le raisonnement porté Yannick Dubois en qualité de juriste, surtout si on insiste sur la qualité de la relation usager/prestation. Toutefois, il est essentiel de se rappeler que l'association n'est pas une organisation comme une autre, que l'usager est, le plus souvent d'abord un adhérent et non pas un client. Il serait dommageable qu'AME ne traite cette question que sous l'angle qu'une relation commerciale classique.Cordialement.Grégory Autier

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[VIDÉO] Le Covid-19 est-il un cas de force majeure ?

© LaineNeimane

L’interdiction des regroupements et l’obligation de confinement ont contraint bon nombre d’associations à cesser leurs activités. La situation de force majeure peut-elle être invoquée pour leur permettre de ne pas honorer leurs engagements et donc de limiter leurs pertes ? La réponse dépend de plusieurs éléments liés au contrat et au contexte de l’évènement.

Dès lors qu’une association a pris un engagement contractuel de réaliser une prestation, celle-ci est tenue d’exécuter de bonne foi ses obligations. Le principe est posé à l’article 1101 du code civil.

Lorsqu’un adhérent de l’association s’inscrit à une activité, lorsque l’association a vendu les billets pour un festival de musique, celle-ci ne peut s’exonérer de son obligation que si elle prouve que l’annulation – ou le report – est due à un cas de force majeure.

Yannick Dubois, du cabinet Kogito Associations :

L’évènement doit échapper au contrôle…

L’article 1218 du code civil indique qu’« il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

On serait tenté de conclure que la situation particulière que nous vivons avec l’instauration de l’état d’urgence sanitaire et le confinement remplit les conditions de la force majeure : un événement imprévisible, contre lequel on ne peut rien mettre en place pour l’éviter et qui est extérieur à la volonté de l’association.

Le 29 février, Bruno Le Maire a d’ailleurs déclaré que l’État renonçait à appliquer des pénalités de retard à ses prestataires en cas de non-exécution de leurs prestations contractuelles. De très nombreuses collectivités ont fait de même pour leurs marchés publics.

… et doit être imprévisible et irrésistible

Pourtant, à la lecture de la jurisprudence, on constate que la force majeure n’a jamais été retenue par les juges lors des crises sanitaires précédentes. Lors de l’épidémie Ebola, ils ont estimé que le virus ne constituait pas un cas de force majeure car le lien entre l’épidémie et la baisse d’activité d’une entreprise n’était pas rapportée (CAA de Douai, n°15DA01345, 28 janvier 2016).

À propos du chikungunya, le juge a considéré qu’« en dépit de ses caractéristiques (douleurs articulaires, fièvre, céphalées, fatigue, etc.) […], cet événement ne comporte pas les caractères de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1148 du code civil [ancien]. En effet, cette épidémie ne peut être considérée comme ayant un caractère imprévisible et surtout irrésistible puisque, dans tous les cas, cette maladie soulagée par des antalgiques est généralement surmontable et que l’hôtel pouvait honorer sa prestation durant cette période » (CA Basse-Terre, 17 décembre 2018, RG 17/00739).

L’absence de vaccin contre le Covid-19 conduirait toutefois probablement à une décision sensiblement différente. Dans plusieurs hypothèses, les juges écartent également l’application de la force majeure en considérant que les épidémies étaient prévisibles. C’est le cas pour la dengue, maladie récurrente et donc forcément prévisible (CA de Nancy, 22 novembre 2010, RG 09/00003) et pour le virus H1N1 que le juge considère comme prévisible car largement médiatisé avant sa survenance en France (CA Besançon, 8 janvier 2014, RG 12/02291). Dans ces décisions, les juges ont considéré que les maladies étaient connues et donc prévisibles, que leur risque de propagation était évident ou encore que ces maladies n’étaient pas suffisamment létales pour être des cas de force majeure.

Attention à la date et aux clauses du contrat

Le cas du Covid-19 est un peu particulier car au-delà de la maladie, ce sont les décisions gouvernementales d’interdiction de déplacement et de rassemblement qui empêchent la réalisation des activités en application de la théorie du « fait du prince ». Ainsi, à compter du 4 mars 2020 (arrêté portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, Journal officiel du 5 mars), et jusqu’à la date de levée du confinement, la force majeure devrait prévaloir.

Mais attention car l’imprévisibilité s’apprécie au moment de la conclusion du contrat ! Ainsi les contrats conclus après la date de l’entrée en vigueur des mesures de confinement ne pourront sans doute pas se prévaloir de la force majeure puisque le caractère d’imprévisibilité ne pourra plus être invoqué.

Il faudra également veiller au contenu même du contrat qui lie l’association à son « client ». Certains contrats datant d’avant le 4 mars 2020, prévoient que les obligations de l’association devront se réaliser même en cas de force majeure (exemple : portage de repas à domicile pour des personnes âgées). Dans ce cas l’association ne pourra se retrancher derrière la force majeure pour ne pas réaliser sa prestation, à défaut, elle devra verser des dommages et intérêts.

Tout ce qui peut être reporté devra l’être

Si l’on retient que le Covid-19 est un cas de force majeure, cela ne signifie pas que les activités sont purement et simplement annulées et que les sommes encaissées doivent être remboursées. Le code civil indique que « si l’empêchement est temporaire, l’exécution est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».

Si l’activité ou l’événement peut être reporté après la fin du confinement sans que l’adhérent ne puisse prétendre à des dommages et intérêts, il conviendra de fournir une prestation identique ou à défaut équivalente en termes de qualité et de quantité ou de même durée.

Si au contraire le report de l’activité ou de l’événement est tel qu’il rendrait la prestation caduque ou inutile, l’annulation pure et simple est alors envisageable. Dans ce cas, le contrat sera dit résolu et, comme l’indiquent les articles 151 et 1351-1 du code civil, l’obligation s’éteint.

En résumé, tout ce qui peut être reporté devra l’être. Seuls les contrats pour lesquels un report n’aurait pas de sens feront l’objet d’un remboursement.

La cotisation ne peut pas être remboursée mais...

La cotisation statutaire est le versement d’une somme d’argent témoignant de la volonté d’un individu ou d’une personne morale d’adhérer au contrat d’association. Elle ouvre droit à la participation à la vie associative, conformément aux statuts mais ne comporte pas de contrepartie. La cotisation statutaire ne peut donc être remboursée à l’adhérent même en cas de force majeure. Cela dit, si vos statuts le permettent, il est possible d’envisager une diminution de son montant l’année suivante…

Le régime d’indemnisation est encadré

Dans un cas comme dans l’autre, les adhérents ou usagers de l’association (spectateurs par exemple) pourront être remboursés de tout ou partie de ce qu’ils ont versé pour la prestation annulée. L’indemnisation sera réalisée par l’association elle-même ou par sa compagnie d’assurances s’il existe une telle garantie.

Le régime des restitutions est cadré par les articles 1352 et suivants du code civil. La restitution peut être intégrale ou partielle. Elle sera partielle si une partie de la prestation a déjà été réalisée. La force majeure écartera la possibilité pour le client de demander des dommages et intérêts, en plus du remboursement total ou partiel de la prestation ou de l’exécution différée de la prestation.

Enfin lorsque la réalisation différée de l’activité est possible mais qu’elle devient trop onéreuse pour l’association, celle-ci pourra se prévaloir de l’imprévision (article 1195 du code civil). Il s’agit d’un changement de circonstance imprévisible. Dans ce cas, le contrat pourra être renégocié. L’association pourra par exemple facturer un surcoût. Si le client refuse, le contrat pourra être résilié et l’association devra indemniser son client.

Assurances : tout est dans les clauses

Les assurances couvrent parfois les associations lorsqu’elles ne peuvent, pour les cas de force majeure ou d’imprévision, réaliser les prestations pour lesquelles elles s’étaient engagées. Malheureusement de nombreux contrats d’assurance excluent le risque sanitaire de ces hypothèses.

Les mêmes principes valent pour les prestataires

Les principes énoncés plus haut valent pour les relations contractuelles de l’association vis-à-vis de ses prestataires. Une association qui organise un spectacle peut se prévaloir de la force majeure pour annuler ou différer le contrat avec des artistes ou des prestataires mais toutes les actions déjà réalisées par les prestataires pourront être facturées.

S’il n’y a pas de commencement d’exécution et que la prestation est annulée, elle ne pourra donner lieu au versement d’une indemnisation. Ainsi, pour les artistes qui ont annoncé qu’ils suspendaient leur tournée, le contrat est juste différé.

Pour les spectacles et festivals, le choix sera plutôt celui de l’annulation. Attention, la force majeure ne vaut pas pour la poursuite des contrats de travail qui relèveront du chômage partiel, du télétravail ou entraîneront des licenciements économiques.

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