Le bénévolat en voie d’instrumentalisation ?

Michel Lulek

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Fabrice GAILLARDON - 20/09/2018 12h:22

Je trouve que c'est une bonne idée de se servir du bénévolat pour la réinsertion des jeunes parce que beaucoup d'associations font un boulot formidable pour cela et ça permet de faire des rencontres.. Je considère que tous les jeunes qui ont du mal à trouver un emploi devraient faire du bénévolat obligatoire de façon à rentrer dans la vie active en leur demandant de faire un bilan sur ce qu'ils font dans les associations pour évaluer leur compétences et mieux les orienter vers un métier qu'ils désirent faire...

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Le bénévolat en voie d’instrumentalisation ?

© svetazi/AdobeStock

Peut-on conditionner le versement du RSA à des actions de bénévolat ? Non, avait répondu le tribunal administratif de Strasbourg en 2016. Oui dans certains cas, nuance le Conseil d’État. Si tout le monde s’accorde pour dire que l’action associative peut être utile dans une démarche d’insertion, les risques d’instrumentalisation sont bien réels.

L'affaire a commencé il y a maintenant un peu plus de deux ans. Le conseil départemental du Haut-Rhin avait pris l’initiative de demander aux bénéficiaires du RSA d’effectuer au moins 7 heures de bénévolat par semaine pour pouvoir continuer à bénéficier du dispositif (551 € par mois pour une personne seule et 826 € pour un couple sans enfants). Cette position avait suscité une levée de boucliers du côté du monde associatif qui voyait là une instrumentalisation du bénévolat.

Le tribunal administratif de Strasbourg­ avait tranché en annulant la délibération du conseil départemental, ce dernier ne pouvant pas, selon les juges, « envisager de conditionner, de manière générale, le versement du RSA à l’accomplissement de telles actions de bénévolat » (jugement n° 1601891 du 5 octobre 2016). Un jugement confirmé en 2017 par la cour d’appel de Nancy (arrêt n° 16NC02675 du 18 avril 2017).

Avis contraire du Conseil d'Etat

Le président du conseil départemental du Haut-Rhin, Éric Straumann, n’avait cependant pas lâché sa mesure. Tandis­ que les bénéficiaires alsaciens du RSA continuaient à se voir proposer des actions de bénévolat, il avait saisi le Conseil d’État qui a rendu le 15 juin dernier (décision n° 411630) un avis contraire à celui du tribunal de Strasbourg­ en considérant que « les dispositions de l’article L.262-35 [du code de l’action sociale et des familles] ne font pas obstacle à ce que, dans certains cas, le contrat, élaboré de façon personnalisée, prévoie légalement des actions de bénévolat à la condition qu’elles puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatibles avec la recherche d’un emploi ».

Éric Straumann, aujourd’hui député du Haut-Rhin, s’en est aussitôt réjoui : « le Conseil d’État vient de donner raison au département du Haut-Rhin en considérant qu’un président de conseil départemental est en droit de suspendre le versement du RSA lorsque le bénéficiaire refuse, sans motif légitime, cet engagement de sept heures ».

Du bénévolat proposé mais pas obligatoire

En réalité le Conseil d’État n’admet pas le bénévolat comme une mesure systématique ou comme une condition sine qua non pour recevoir le RSA. Il peut juste être proposé aux allocataires et intégrer ainsi le dispositif plus global d’accompagnement et d’insertion. Sa position est prudente : « dans certains cas », « de façon personnalisée », « à la condition »…

Agnès Buzyn, ministre des solidarités, ne s’y est pas trompée qui a précisé aux députés que « le Conseil d’État a rappelé que l’accord des personnes est requis et que le bénévolat ne peut pas leur être imposé »(1).

Le communiqué conjoint de cinq associations de promotion du bénévolat va dans le même sens : « nos associations constatent avec intérêt, qu’à travers la décision du Conseil d’État, le bénévolat est considéré et reconnu comme une source possible d’insertion. C’est dans ce sens que nos associations, reconnues sur le thème du bénévolat, appellent les associations et les pouvoirs publics à ne pas instrumentaliser l’engagement bénévole. Nos associations le réaffirment : « le bénévolat ne peut pas être obligatoire ! ».

Un acte désintéressé

5 associations de promotion du bénévolat*, ont profité de la décision du Conseil d’État pour redire leur opposition à trois « fausses bonnes idées ».

Outre de lier le versement du RSA à des heures de bénévolat, elles critiquent l’idée d’un « statut du bénévole » que le Parlement a évoqué lors des débats sur la loi Égalité et citoyenneté et celle d’octroyer des points retraite pour les bénévoles.

« Le bénévolat est un acte désintéressé, qui exprime une démarche de gratuité sans contrepartie directe. Les bénévoles aspirent à ce que leur bénévolat soit reconnu et valorisé bien sûr, mais simultanément ils en retirent des satisfactions à travers des expériences uniques, des rencontres humaines et l’extension de leurs compétences. L’acquisition de points retraite remettrait en cause cette dimension. »

* Passerelles et compétences, France Bénévolat, Tous bénévoles, Benenova et Pro bono lab.

Du bénévolat positif dans certains parcours

Sur le terrain, les choses sont moins passionnées. Christelle Georget, qui suit le dispositif dans le Haut-Rhin, voit surtout les effets positifs du bénévolat dans certains parcours : « c’est un moyen facile et utile pour reprendre confiance en soi, aller mieux et rebondir, et on se rend compte qu’il y a de beaux retours ».

Hors toute polémique, elle tient à préciser : « l’aspect volontaire du dispositif est plébiscité ». Le bénévolat n’est pas imposé mais toujours adapté aux parcours des personnes concernées et intégré dans les contrats d’engagements réciproques (CER) ou les projets personnalisés d’accès à l’emploi (PPAE).

Au demeurant le Haut-Rhin est loin d’être le seul département à avoir mis en place une telle proposition. Son voisin le Bas-Rhin ou la Vienne ont eux aussi adopté la formule. Idem dans la Drôme où le département constate que « cet échange est mené avec le concours des associations du territoire qui font face à un manque récurrent de bénévoles ».

Des approches du bénévolat contradictoires

Tout le monde y retrouverait donc son compte ? Pas si simple ! Ce qui complique le débat, c’est qu’il est traversé par deux approches contradictoires. D’un côté, une démarche de solidarité (comment aider des gens à se réinsérer par le bénévolat) et de l’autre, une démarche de lutte contre l’assistanat (comment faire pour que les allocataires sociaux « méritent » leur allocation). On voit bien que selon qu’on privilégie l’une ou l’autre approche le débat RSA et bénévolat est tout différent.

(1) Assemblée nationale, séance du 20 juin 2018

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