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Interview de Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss
L’Uniopss fêtera cette année ses 70 ans. Quel bilan faites-vous de son action ?
L’Uniopss est née dans le prolongement des orientations du Conseil national de la Résistance, en particulier de la création d’une politique de protection sociale avec, entre autres, l’instauration de la Sécurité sociale. Assez paradoxalement, les associations ont craint à l’époque une forme d’étatisation de l’action sociale. Or, nous sommes maintenant les principaux défenseurs de ce système basé sur une solidarité universelle.
Le dialogue avec les pouvoirs publics a débuté dès les premières années avec le souci d’une représentativité associative plurielle reprenant autant les laïcs que les religieux qui, à l’époque, étaient encore très nombreux et diversifiés (catholiques, protestants, juifs…) dans les missions de solidarité ou de soins. L’esprit d’innovation, de proximité avec la population, l’inscription dans les territoires ont été dès l’origine des éléments structurants des Uriopss (unions régionales) et de l’Uniopss.
Quelles avancées ont le plus retenu votre attention ?
Les très nombreuses contributions aux différentes lois qui ont marqué notre secteur ont fait que l’Uniopss, pour de nombreux partenaires publics ou privés, était considérée comme le ministère « bis » des affaires sociales. Des textes fondamentaux comme ceux concernant l’enfance, la lutte contre l’exclusion, les personnes âgées, le handicap, les statuts économiques et budgétaires des associations et bien d’autres ont repris des propositions émises par le secteur associatif à travers les contributions de l’Uniopss avec l’appui de ses commissions.
L’Uniopss a fortement participé à la montée en puissance des associations dans leur professionnalisation, leur qualification, leurs compétences administratives et surtout budgétaires et financières qui permettent aujourd’hui leur reconnaissance légitime. Il nous reste à participer à l’accompagnement aux réformes territoriales, tarifaires et administratives toujours en mouvement et parfois si complexes.
L’Uniopss a participé aux réflexions sur la prospective et la recherche dont ses congrès bisannuels démontrent l’intérêt et l’importance pour les associations mais aussi pour les acteurs des réseaux de spécialistes publics et privés.
La rentrée sociale est marquée par de nouvelles mesures qui impactent le secteur associatif, quelle analyse en faites-vous ?
Après un été où de nombreuses mesures ont été prises sans concertation et sans mesure d’impact, en particulier vis-à-vis des plus faibles de nos concitoyens, les associations se sont montrées surprises et déçues. Le décalage entre discours et décisions nous a interrogés. Parfois sur les objectifs mais plus souvent sur les moyens mis en œuvre, car le gouvernement a réduit des financements ou des moyens humains en prétextant un dysfonctionnement ou des réformes indispensables avant même des applications ou des modifications liées à cette réforme.
Des secteurs comme la protection de l’enfance, le soutien aux personnes âgées, l’accompagnement des personnes en difficultés, le domaine du logement sont en attente d’une stratégie politique qui a du mal à émerger clairement au-delà des aspects de réduction budgétaire.
Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer pour renverser la tendance ?
La place accordée par le nouveau gouvernement aux questions sociales et sociétales n’est pas évidente du fait de l’absence de ministre de l’Enfance, de la Famille, des Personnes âgées, de la Lutte contre la pauvreté et l’exclusion, du Logement. Certaines nominations de haut-commissaire ou de délégués interministériels (retraites, économie sociale et solidaire, lutte contre la pauvreté…) sont censées remédier à ces carences, mais il est difficile à ce jour d’analyser leur efficacité.
Le secteur associatif doit s’adapter à cette nouvelle donne et trouver la « bonne distance » indispensable dans nos relations avec les pouvoirs publics permettant le respect et l’écoute mutuelle avec l’objectif de protection sociale des plus faibles et de reconnaissance de l’égale dignité de chacun. L’Uniopss et le secteur associatif gardent des fonctions majeures qui sont celles du sens et des valeurs qui y sont attachées. Le nouveau gouvernement évoque régulièrement « un nouveau monde » ! À nous d’être force de proposition pour que les valeurs humaines et collectives demeurent primordiales face à l’économie et l’individualisme.
Propos recueillis par Fatou Seye
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