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Interview de Yannick Blanc, Haut-commissaire à l’engagement civique et président de l’Agence du service civique
Comment la notion d’engagement a-t-elle évolué ?
Le mot « engagement » désigne, dans la diversité même de ses usages, la mutation qu’a connue en quelques décennies la relation entre l’individu et le collectif. Autrefois l’identité individuelle se construisait à partir de l’appartenance à une communauté, un métier, une classe sociale, une organisation ou un courant d’opinion. Aujourd’hui, la relation entre l’individu et l’institution, l’organisation, l’entreprise, l’association, est davantage l’expression d’un choix volontaire et un même individu peut participer simultanément ou successivement à plusieurs de ces communautés. Son identité ne se construit plus à partir de son appartenance mais au fil de son parcours. « Engagement » est le mot que nous utilisons pour parler de l’intensité et de la stabilité de ces relations.
Les associations ont-elles une longueur d’avance ?
Elles ont été les premières à ressentir et à comprendre cette mutation. Les partis politiques et les syndicats n’ont pas su en tirer les conséquences, d’où leur déclin spectaculaire. Le lien d’association, c’est-à-dire la contribution volontaire à un projet ou en défense d’une cause, est devenu le prototype du lien social, de l’action collective. Les entreprises et les institutions publiques cherchent, non sans difficultés, à en adapter les ressorts à leur propre logique d’organisation. Les associations peuvent s’adapter plus vite, faire évoluer leurs règles. Elles devraient en faire bien davantage un levier stratégique dans leurs relations avec leurs partenaires.
Quelles sont les incidences sur leur fonctionnement ?
L’essentiel est de comprendre que l’axe de l’action collective et de sa gouvernance s’est déplacé de la vie statutaire vers le pilotage des projets et des actions. Le cœur de la vie associative ne bat plus dans le renouvellement des adhésions et la vie des instances mais dans les groupes de projet et les comités de pilotage. C’est là que se retrouvent salariés et bénévoles, là que se prennent les décisions essentielles, là que se joue la reconnaissance, qui est la contrepartie fondamentale de l’engagement. Il faut apporter le plus grand soin au fonctionnement de ces instances informelles car elles sont le lieu de la véritable démocratie associative.