© scusi/AdobeStock
A l'occasion du 20e anniversaire du magazine Associations mode d'emploi, Jean-Louis Laville, professeur au Cnam et auteur de plusieurs ouvrages sur la question des associations nous parle de l'évolution des associations dans notre société et de ce qu'il nomme associationisme.
Depuis une vingtaine d’années, il est un phénomène mondial : c’est l’essor considérable des initiatives citoyennes, ce que je nomme l’associationisme. À chaque fois qu’on se rend sur un territoire, on est étonné du nombre de choses qui s’y passent et qui, bien souvent, permettent à la société de « tenir ». Au-delà des statuts juridiques (même si le statut associatif en est une manifestation très nette), l’associationisme est cette capacité de chacun et chacune de se lier à d’autres pour réaliser ensemble un objectif commun.
Ce regain de l’associationisme est pourtant peu perceptible et presque invisible. Il y a à cela d’abord une raison historique. Né au début du XIXe siècle, l’associationisme a été ostracisé à la fois par le courant libéral qui y a vu un mouvement naïf et sans importance et par le courant marxiste qui l’a jugé « utopique » et immature. Tout le XXe siècle a vécu sur cette vision des choses où, hors du capitalisme marchand pour les uns, ou de l’État social pour les autres, il n’y avait pas d’autre voix. Il nous faut donc d’abord retrouver cette mémoire, réhabiliter cette pensée de la transition plutôt que de la rupture, cette volonté d’aller, non vers une société parfaite, mais vers une société meilleure.
L’autre raison est liée au modèle néolibéral qui réduit l’association à une forme d’entreprise qu’il faudrait « professionnaliser », qui aimerait que les associations deviennent des entreprises (presque) comme les autres mais avec un but social. Ces dilemmes, nous les retrouvons dans chaque association : bureaucratisation ou délibération ; adaptation aux normes ou recherche d’une dimension politique au cœur du projet associatif. Pour ne pas passer d’une dépendance aux financements publics à une dépendance aux financements privés, les associations doivent activer leurs ressorts propres : bénévolat, volontariat.
Mais elles doivent aussi s’affirmer comme des lieux d’expérimentation de nouvelles façons de faire dans l’espace public ; afficher le sens de leurs actions en faveur d’une société qui ne soit pas gouvernée par l’uniformisation ; faire vivre les différences dans une égalité entre les personnes. Des défis auxquels elles se sont déjà confrontées au cours de ces vingt dernières années – ce numéro anniversaire d’Associations mode d’emploi en témoigne – et qui, n’en doutons pas, continuent à se dresser devant elles.
Par Jean-Louis Laville, Professeur du Cnam, auteur de « La gouvernance des associations » (Érès, 2013), « Associations et action publique » (Desclée de Brouwer, 2015), « L’économie sociale et solidaire » (Le Seuil, 2016), « L’association, sociologie et économie » (Pluriel, nouvelle édition 2018).
?