Si l'expression « ne voir le monde que par le petit bout de la lorgnette » peut s'appliquer à quelque chose, c'est bien à l'observatoire des subventions, une officine d' « information » dont les analyses concernant le monde associatif sont tristement superficielles. Cela ne mériterait certainement pas un édito du Filhebdo, si certains internautes ou personnes bien intentionnées, mais peu au fait de la réalité du monde associatif, ne se laissaient convaincre par les arguments de l'observatoire en question.
Il faut d'abord savoir que sous son intitulé sobre et pseudo-scientifique l'Observatoire des subventions est en fait une émanation de l'association « Contribuables associés » qui lutte contre « l'oppression fiscale » et qui pourfend tous les contrats aidés... parce qu'ils coûtent à leurs yeux trop d'argent au contribuable.
L'Observatoire qui se targue de dévoiler la face cachée des choses est donc bien peu transparent lui-même, puisqu'il ne signale pas son lien avec Contribuables associés. Ce n'est qu'en cliquant sur « contact » qu'on s'aperçoit que son adresse mail est celle de Jean-Baptiste Léon, chargé des sites d'informations et dossiers à Contribuables associés et auteur du Cri du contribuable, un autre site du même acabit.
L'Observatoire promeut sa publication « Les Dossiers du contribuable » (vendus en kiosque et par abonnement) dont le dernier numéro est consacré au « scandale des subventions ». Le principe est de démontrer que les associations gaspillent l'argent public et qu'elles ne sont qu'une petite «camarilla » à se partager le gâteau :
« Le budget du secteur associatif est énorme (...) dont près de la moitié est de source publique. Le montant colossal de ces subventions avoisine les sommes que l'Etat consacre au budget de la Défense ! Cette manne est répartie de manière particulièrement inégalitaire. En effet, si 80 % des associations ne reçoivent aucune subvention, « seulement 7 % des associations reçoivent 70 % des subventions publiques » a calculé Viviane Tchernonog, chercheur au CNRS. »
« Montant colossal des subventions », « manne », etc. : les termes renvoient à un discours poujado-lepéniste de base, qui signe à lui seul le parti-pris des « observateurs de la subvention ». SOS Racisme, Act up et le DAL sont mis en avant pour prouver que l'argent public est dilapidé auprès d'associations gauchisantes, comme il se doit !
La solution ? Elle est proposée par Claude Garrec, président de Contribuables associés : « Une réduction de moitié de toutes les subventions publiques aux associations entraînerait une économie comprise entre 15 et 20 milliards d'euros... »
Le problème est que Messieurs Garrec, Léon et consorts, s'apercevraient alors que la maison de retraite dans laquelle se trouve leur maman doublerait ses tarifs ou fermerait sa porte, que le club de sport où se rendent leurs enfants ne pourraient plus organiser ses activités ou que l'association qui anime la fête du village où ils se rendent en vacances chaque été a disparu...
Oui, beaucoup d'associations ne reçoivent pas de subventions... Est-ce que cela signifie que celles qui en reçoivent pourraient assurer leurs missions sans argent public ? C'est ignorer totalement où va cet argent, à quoi il sert et les dégâts (y compris financiers) que générerait la disparition de ces associations.
On pourra toujours épingler quelques dérapages ou remettre en cause la pertinence de telle ou telle subvention particulière. En conclure au « scandale des subventions aux associations » c'est adopter un parti-pris purement idéologique, qui n'a plus rien à voir avec le souci d'une bonne gestion des fonds publics.