Contrats aidés : la Cour des comptes demande un meilleur ciblage

Dans un rapport remis le 22 janvier, la Cour des comptes remet en cause la pertinence des contrats aidés dans le secteur non marchand. La Cour a en effet présenté un rapport intitulé « Le marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques » dans lequel six petites pages seront lues par les associations comme une sévère remontrance.

Les contrats aidés du secteur non marchand y sont durement montrés du doigt : « Leur utilisation dans le secteur non marchand a persisté en France, alors qu'elle a été abandonnée dans la plupart des autres pays en raison de sa faible efficacité en matière d'insertion durable dans l'emploi. Le recours à ce dispositif dans le cadre de la réponse à la crise apparaît donc discutable. » En effet, moins de 40 % des personnes en contrat aidé non marchand ont un emploi six mois plus tard contre plus de 70 % pour ceux qui ont bénéficié de contrats dans le secteur marchand... « Une explication possible de l'effet négatif des contrats aidés dans le secteur non-marchand pourrait être liée au fait que ce secteur n'a que très peu recruté dans des emplois stables. Dans ces conditions, la qualification spécifique acquise par les titulaires de contrats aidés n'a pas pu être valorisée pour trouver un emploi stable dans le même secteur. »
La Cour des comptes fait du coup un certain nombre de propositions qui ressemblent carrément à une remise en cause. Il faut « revoir l'équilibre entre contrats du secteur marchand et contrats du secteur non marchand au bénéfice des premiers » et « réserver l'accès aux contrats aidés aux seuls bénéficiaires qui ne peuvent pas être orientés vers des dispositifs dont l'efficacité apparaît mieux fondée. » La Cour propose de les réserver à des publics dont le niveau de qualification initial est faible afin d'éviter l'éviction des bénéficiaires potentiels les moins diplômés par ceux qui, mieux formés, pourraient trouver d'autres voies d'accès à l'emploi. Bref les cas les plus difficiles aux associations... qui n'en demandent pas tant !
La Cour insiste dans ses préconisations sur l'accompagnement : « L'accompagnement de la fin des contrats aidés apparaît particulièrement importante pour l'insertion dans l'emploi. »  Elle propose donc :
- d'assortir systématiquement l'exécution du contrat d'une formation allant au-delà de l'adaptation au poste de travail ;
- de moduler l'aide en fonction de la qualité de la formation prévue par le contrat ;
- d'inscrire les contrats aidés dans une durée suffisante (supérieure à un an) tout particulièrement lorsque leurs bénéficiaires sont les publics éloignés de l'emploi ;
- En contrepartie de cette inscription dans la durée, de prévoir une revue régulière par le prescripteur du respect par l'employeur de ses engagements en matière de formation et d'accompagnement.

Le regard de la Cour des comptes, très centré sur les résultats ultérieurs des contrats aidés en terme d'insertion sur le marché du travail, semble ignorer que les contrats aidés jouent un rôle de cohésion sociale en évitant la rupture avec l'activité provoquée par le chômage. Que feraient les personnes en contrats aidés dans les associations si ces dernières ne pouvaient pas les embaucher ? Ce rôle fondamental des associations, l'écrivain Jean-Christophe Bailly l'avait bien noté, même intuitivement, lors de ses voyages en France (Le Dépaysement, Voyages en France, éditions du Seuil, 2011) : « Entre des rassemblements nombreux mais relativement exceptionnels et le tissu permanent ou épisodique de la vie associative, existe donc une sorte de fédération informelle des modes d'assemblage social, et je suis sûr de ne pas trop m'avancer en disant que c'est là une partie non négligeable (mais souvent négligée) de ce qui tient le pays, de ce qui fait qu'il tient. » (page 246 de l'édition de poche).
Peut-être faudrait-il recommander aux « sages » de la Cour des comptes d'aller un peu plus voyager en France et de ne pas se contenter de regarder les statistiques.

Lire le rapport intégral (la partie concernant le secteur non marchand se trouve aux pages 80 à 86).