Bénévolat : l’engagement à portée de clic ?

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Bénévolat : l’engagement à portée de clic ?

© Cambon

Mettre en lien bénévoles et associations est l’objectif affiché de plateformes de plus en plus nombreuses. Si elles n’ont pour l’instant qu’un poids relativement minime, elles participent parfois au passage à l’acte et peuvent permettre de recruter au-delà du cercle habituel de l’association. À condition de s’intégrer à une politique globale et de rester complémentaire des autres pratiques.

Commençons par un rappel : 85 % des associations ne fonctionnent qu’avec des bénévoles. Autre constat : la société française est ultra-connectée. 56,8 millions de Français (88 % de la population) utilisent internet. Parmi eux, 87 % consultent le Web quotidiennement. En confrontant ces chiffres aux 25 % de Français qui sont engagés dans une action bénévole, il est facile de faire le lien : et si internet était le vecteur idéal pour le recrutement de nouveaux bénévoles ?

Mettre en relation bénévoles et associations

Les premières initiatives datent de 2000 et 2001 avec le site solidarinet.asso (devenu tousbenevoles.org en 2014) et le site planetesolidaire.org (devenu dès 2003 francebenevolat.org). Depuis, ces deux acteurs historiques ont été rejoints par une pléiade d’autres : Benenova (2013), Welp (2015), Diffuz (2017), etc.

Une startup, Hacktiv, distinguée entre autres par le dispositif La France s’engage, s’est lancée dans l’aventure en 2015 autour de « l’idée follement simple de créer le Airbnb de l’engagement citoyen ». Après la plateforme Je m’engage Paris (jemengage.paris.fr), elle décline désormais le modèle dans d’autres villes françaises : Bordeaux (jeparticipe.bordeaux.fr), Sceaux (sceaux.hacktiv.org), Dunkerque (jagispourdunkerque.fr) et prévoit de nouvelles implantations à Lille et Nice. Si toutes ces plateformes sont différentes, leur principe est simple : grâce à un moteur de recherche multicritères (types d’actions, lieux, etc.), il s’agit de mettre en relation des individus qui souhaitent donner un peu de temps, de compétence et d’énergie avec une association ou une action qui en a besoin.

Trop de sollicitations nuirait au bénévolat ?

Morgane Gaufier, auteure en 2017 d’un mémoire sur le sujet (1), commente : « À première vue, ces dispositifs arrivent à point nommé dans une société française connectée où le bénévolat est une pratique saluée et où les associations sont en manque d’effectifs. Mais ce qui peut nous interroger c’est le nombre de dispositifs mis en place ».

Trop de sollicitations nuirait à la santé du bénévolat ? Sûrement pas ! Néanmoins, la remarque invite à s’interroger sur la diversité des enjeux de toutes ces plateformes. « Avec France Bénévolat et Benenova, explique Morgane Gaufier, les logiques sont principalement au service du monde associatif et du développement du bénévolat. »

À Paris, le dispositif fait partie d’une stratégie plus globale de mise en avant de la politique participative de la ville. Dans le cas de Diffuz, il s’intègre dans la stratégie communicationnelle de la Macif, à l’origine du projet, et constitue ainsi une vitrine qui vient renforcer l’image solidaire de la mutuelle. Des démarches similaires en termes de mécénat de compétences sont également engagées dans le cadre de la mise en place de politiques de responsabilité sociale de grandes entreprises.

Répondre aux nouvelles formes de bénévolat

Le recours aux dispositifs d’intermédiation doit en tout cas s’intégrer à une politique globale de recrutement et rester complémentaire des autres pratiques. Sans compter qu’il existe encore des « exclus du numérique » (plus d’un Français sur dix n’a pas de connexion internet à son domicile) qui sont souvent des personnes seules (61 %) avec un faible niveau de diplôme. Certains s’interrogent du coup si de tels dispositifs ne pourraient pas participer à maintenir voire à aggraver la « fracture associative » que l’on observe aujourd’hui entre bénévoles diplômés et peu diplômés…

Autre critique, le côté minimaliste de certains engagements avec des missions extrêmement courtes ou le côté « donnant-donnant » comme Orange RockCorps qui propose 4 heures de bénévolat contre une place de concert. Une façon de répondre aux nouvelles formes de bénévolat, plus ponctuel, plus rapide, plus concret ?

En ciblant une recherche sur la seule compétence certains estiment que l’on réduit considérablement la notion même de bénévolat. Le bénévole n’est-il qu’un cadre ultra-compétent capable d’établir un compte de résultat, un jeune sans emploi affectable à la préparation de colis alimentaire une après-midi, ou une retraitée disponible pour promener une personne en fauteuil roulant ? Sûrement pas. Mais là encore, n’est-ce pas pour des personnes éloignées du bénévolat un premier pas vers un engagement plus durable ?

Un recrutement encore assez faible de bénévoles

Ces outils n’ont en tout cas pour l’instant qu’un poids relativement minime dans les recrutements bénévoles. Selon Recherches & Solidarités, seulement 11 % des bénévoles se sont engagés par le biais d’une annonce trouvée sur internet – et pas forcément sur une plateforme (le meilleur score est atteint par les moins de 35 ans avec 14 %). « Si le pourcentage de bénévoles concernés reste faible, complète Morgane Gaufier, nous pouvons observer qu’elles participent parfois au passage à l’acte concret. »

Selon le dernier panorama de Benenova 36 % des bénévoles ont fait par ce biais leur toute première expérience de bénévolat et 60 % se sont ensuite engagés dans une association ou envisagent de le faire. Pour les associations qui promeuvent ce genre d’outils, l’objectif est double : faciliter le premier pas et se faire connaître au-delà de ses publics habituels pour capter de futurs bénévoles, « ces dispositifs étant une réelle porte d’entrée vers le monde associatif, notamment pour un public n’ayant jamais pratiqué de bénévolat ».

Cela n’empêche pas quelques couacs : bénévoles non rappelés par l’association contactée, accueil laissant à désirer, association demandant une adhésion… Morgane Gaufier commente : « Au vu de ces différentes pratiques, on se rend compte que « l’engagement à portée de clic » n’est pas toujours si rapide et certaines associations n’ont pas été accompagnées pour répondre de façon cohérente aux attentes des utilisateurs de la plateforme. C’est dommage car cela peut décourager les futurs bénévoles. »

Un article de Michel Lulek


(1) Morgane Gaufier : « Tous solidaires ? Les dispositifs numériques d’intermédiation bénévoles/associations. » Mémoire Celsa-Paris Sorbonne – IMT Mines Alès, 2017. À paraître en 2018.